Certains soirs depuis qu’elle habitait dans son nouvel appartement, elle percevait, à peine allongée dans le noir, un bruit d’eau qui s’écoulait, comme si un ruisseau était apparu soudain devant sa porte. Quelques fois elle se relevait, pour vérifier si aucun filet d’eau ne s’échappait des robinets ou du pommeau de douche. Mais le son s’effaçait dès qu’elle se mettait debout, pour reprendre aussitôt qu’elle se recouchait. Tandis que le sommeil l’emportait peu à peu, elle écoutait l’eau couler à l’intérieur d’elle-même, prendre source dans sa gorge, dévaler le long de sa trachée, puis sombrer plus bas, beaucoup plus bas, avec des clapotements sourds résonnant sur les parois d’une ca verne sous-marine.

Certe notti, da quando si era trasferita nel suo nuovo appartamento, percepiva, appena sdraiata al buio, un rumore dell’acqua che scorreva, come se un ruscello fosse apparso improvvisamente davanti alla sua porta. Qualche volta si alzava, per controllare se qualche filo d’acqua non fosse scappato dai rubinetti o dal soffione della doccia. Ma il suono svaniva non appena si alzava, per riprendere non appena si sdraiava di nuovo. Mentre il sonno la vinceva poco a poco, ascoltava l’acqua scorrerle dentro, nascerle in gola, scivolarle lungo la trachea, per poi sprofondare più in basso, molto più in basso, con un gorgoglio ovattato che riecheggiava sulle pareti di una caverna sottomarina.

Les hauts murs de la chambre, peints à l’éponge en jaune vif, étaient traversés, juste sous le plafond, d’une longue balafre blanche que le propriétaire avait eu le bon goût de dénommer « fresque ». Leur surface barbouillée de traces sales s’agrémentait de trous et de crevasses de diverses tailles, de clous où rien ne pendait, de moustiques écrasés et d’une photo de plage paradisiaque punaisée à l’envers.

Mais, sur le mur Est, juste à côté du lit, était vissée une petite poignée ronde, blanche comme celles des tables de nuit dans les chambres d’enfant. Lorsqu’on la tournait, il ne se passait rien dont on pût s’apercevoir.

Le alte pareti della stanza, dipinte a spugnatura giallo brillante, erano attraversate da un lungo squarcio bianco appena sotto il soffitto, che il proprietario aveva avuto il buon gusto di chiamare “affresco”. La loro superficie imbrattata di tracce sporche era impreziosita da buchi e crepe di varie dimensioni, chiodi dai quali non pendeva nulla, zanzare schiacciate e la foto di una spiaggia paradisiaca appesa al contrario.

Ma, sulla parete a est, proprio accanto al letto, era avvitata una piccola maniglia tonda, bianca come quelle dei comodini nelle camere dei bambini. Quando la si girava, non succedeva nulla di cui ci si potesse accorgere.

Elle sortit des ruelles étroites et coupa à travers champs.

Soudain elle se trouva devant la grande église en ruine. Ses hauts murs crénelés par le temps avaient conservé toute leur majesté.

 Elle entra dans la nef envahie par l’herbe. La pluie résonnait fort sur le toit en verre qu’on avait installé pour protéger les restes de statues entreposés là ; une fine bruine filtrait et tournoyait, indistincte, dans l’air. Elle s’assit sur le sol et s’aperçut que ses mains étaient encore couvertes de savon blanc. D’un geste à la fois plein et confiant, mais avec la légère retenue des tentatives, elle tendit les bras devant elle et dit Allez. Une colonne de pluie, comme si un invisible robinet avait été ouvert, tomba alors sur ses mains, qu’elle lava sans hâte dans cette eau mêlée de clarté. Lorsque toutes traces de savon eurent disparu, elle dit Assez, et la colonne de pluie cessa aussitôt de couler.

Ces gestes et ces mots étaient peut-être la célébration ou le rite d’on ne savait quoi, mais ils avaient été accomplis avec la précision lumineuse d’une aube de juin.

Uscì dalle stradine strette e tagliò per i campi.

Improvvisamente si trovò di fronte alla grande chiesa in rovina. Le sue alte mura, merlate dal tempo, avevano conservato tutta la loro maestosità.

Entrò nella navata invasa dall’erba. La pioggia risuonava forte sul tetto in vetro, installato per proteggere i resti delle statue ivi conservate; una pioggerellina fine filtrava e roteava, indistinta, nell’aria. Si sedette per terra e si rese conto che le sue mani erano ancora ricoperte di sapone bianco. Con un gesto impeccabile e sicuro di sé, ma con quel leggero ritegno dei tentativi, tese le braccia davanti a sé, e disse Via. Come se un rubinetto invisibile fosse stato aperto, una colonna di pioggia le cadde così sulle mani, che lavò senza fretta in quest’acqua mischiata alla luce. Quando tutte le tracce di sapone scomparvero, disse Basta, e la colonna di pioggia cessò subito di colare.

Questi gesti e queste parole erano, forse, la celebrazione o il rito di non si sa cosa, ma erano stati compiuti con la precisione luminosa di un’alba di giugno.

Le temps était radieux. Elle décida d’aller passer l’après-midi au soleil.

Une fois entrée dans la forêt, elle vit que tout avait changé. Le sol, spongieux et mou, rejetait de l’eau à chaque pas ; ses pieds s’enfonçaient dans la mousse, comme si une pluie permanente avait gorgé la terre jusqu’à saturation. Dans la touffeur des fourrés se devinaient des larves et de minuscules rongeurs au poil visqueux. Elle leva la tête vers les arbres. On avait pendu aux branches des génisses entières, dont les carcasses pourrissantes servaient de nourriture aux oiseaux. Aucune odeur dans l’air, mais une moiteur lourde et surie.

 Un fourmillement dans son dos lui fit tourner la tête. Ses épaules n’étaient plus que deux plaies rouges. Sur le sang frais grouillaient de petits insectes noirs.

En hâte, elle rebroussa chemin. Alors qu’elle arrivait déjà à la lisière du bois, elle fut bousculée par la foule qui, en courant, se précipitait vers la forêt.

Il tempo era splendido. Decise di passare il pomeriggio al sole.

Quando entrò nella foresta, vide che tutto era cambiato. Il terreno, spugnoso e soffice, buttava acqua ad ogni passo; i suoi piedi affondavano nel muschio, come se una pioggia costante avesse rimpinzato la terra fino a saturarla. Nella calura della boscaglia si scorgevano larve e piccoli roditori dal pelo viscoso. Alzò la testa verso gli alberi. Erano state appese ai rami intere giovenche, le cui carcasse putrescenti fungevano da cibo per gli uccelli. Non c’era alcun odore nell’aria, ma un’umidità pesante e pungente.

Un formicolio sulla schiena le fece girare la testa. Le spalle erano due piaghe rosse. Sul sangue fresco strisciavano piccoli insetti neri.

In fretta, tornò indietro. Quando fu già arrivata ai margini del bosco, venne travolta dalla folla che, correndo, si precipitava verso la foresta.

La porteuse de lance

Des rayons suspendus dessinent un rideau

 s’estompent puis s’incendient

comme des sillons de miel répandus au dehors

Devant elle attend

debout

qu’une main se lève

entrouvre le rideau

Elle voudrait entendre un choc de perles

les voir se détacher et rouler sur le sol

 chacune y laisse une tache brûlée

et peut-être, derrière, un éclat de lame

 Derrière le rideau de rayons suspendus

une chaleur latente

Debout la porteuse de lance

perce de sa lame

répand lait et sang

Le liquide ambré

laisse apercevoir des lueurs, des taches

qui s’éteignent

état de passage

où le feu n’existe pas encore

Et la lumière

fut lueur plus faible d’un soleil descendant

lent

léger

lanières et rayons tendus de toutes parts

Debout seule face

à la lueur sombre ou claire

tenir la lance

comme on porte le nom

de guerrière paisible

et commander encore

levée face à la lueur

un bâton ligneux dans les mains

Courbée à peine

elle dépose la lance

dans un sillon

Sa ligne s’enchevêtre à la couleur du sol

sa lame éclate un peu de terre

La silhouette sans lance

descend vers la pointe de sa lame

s’aiguise

Du bout de ses doigts, de ses mains,

de tout son corps dénoué

elle roule ensemble miel lait et sang

tavèle sa peau de terre

Fluide, maculée

ses pieds rayonnent

ignés dans le liquide brûlant

Un instant s’entrouvre

silence à l’horizon blanc

Debout elle participe

état de passage

poreux

avant de fondre

Une lance de bois flotté

arrive en un lieu dépourvu d’arbres

roule sur la grève

Des deux plats de sa lame

s’entrechoquent lueurs et ombres

Lorsqu’elle se suspend

on n’aperçoit plus que la tranche

sa fissure dans le sol

oscillation ou interstice

embrasure du feu

Colei che porta la lancia

Raggi sospesi disegnano una tenda

Si dissolvono poi s’incendiano

Come tracce di miele riversato fuori

Dinnanzi lei aspetta

In piedi

Che una mano si sollevi

Schiuda la tenda

Vorrebbe sentire uno schiocco di perle

 Vederle staccarsi e rotolare sul suolo

Ciascuna vi lascia una macchia bruciata

E forse, dietro, una scheggia di lama.

Dietro la tenda di raggi sospesi

un caldo latente

In piedi colei che porta la lancia

trafigge con la sua lama

sparge latte e sangue

Il liquido ambrato

lascia intravedere bagliori, macchie

che si spengono

stadio di passaggio

dove il fuoco ancora non esiste

E la luce

fu bagliore più debole di un sole calante lento

 leggero

fasci e raggi tesi da tutte le parti

In piedi sola di fronte

al bagliore scuro o chiaro

tenere la lancia

come si porta il nome

di guerriera pacifica

e comandare ancora

in piedi di fronte al bagliore

un bastone legnoso fra le mani

Chinata appena

depone la lancia

In un solco

La sua linea s’intreccia al colore del pavimento

La sua lama squarcia un po’ di terra

La figura senza lancia

scende verso la punta della sua lama

s’affila

Dalla punta delle dita, delle mani

di tutto il suo corpo snodato

mescola insieme miele latte e sangue

 chiazza la sua pelle di terra

Fluida, maculata

i piedi s’irradiano

ignei nel liquido infuocato

un istante si schiude

silenzio sull’orizzonte bianco

In piedi lei partecipa

stadio di passaggio

poroso

prima di fondersi

Una lancia di legno galleggiante

Arriva in un luogo privo di alberi

Rotola sulla riva

Dai due piatti della sua lama

Si scontrano bagliori e ombre

Una volta sospesa

Non scorgiamo altro che il taglio

La sua crepa nel suolo

Oscillazione o interstizio

Feritoia del fuoco

S’Assombrit

Au début ce fut facile

elle pouvait dire je ou tu

cela ne faisait presque aucune différence.

Une manière d’être là ou d’être un peu moins là

parmi les crissements les chants.

Mais un jour sans prévenir son corps franchit.

Il se dédoubla, détaché.

Sa gorge traversée d’un cri de verre pilé de stries.

Longtemps

Longtemps elle contempla ce corps-écho suffoquer de l’autre côté

avant d’essayer de s’enfuir

Le feu qu’elle avait voulu allumer là-bas n’avait rien brûlé

le sol le corps ne s’étaient pas craquelés sous la chaleur.

Dans son briquet un reste d’essence trop peu pour nourrir une flamme.

Elle laisse tomber le briquet et les armes dans sa course

dans sa précipitation à refermer la porte sur l’absence

de feu

Son terrier se resserre à la gorge un goût de saumure.

De ses ongles elle racle.

Sur les murs pas même des fissures

aussitôt entaillées se referment.

Quand le bout de ses doigts s’émousse

les écailles tassées sous ses ongles

 s’échappent

et tombent

absorbées par le sol

À la recherche d’un objet ses doigts grattent.

 Une pierre pour fourbir d’autres armes

 quelque chose qui serait là

une pierre veinée d’un fil

Elle tombe – son corps sous la voûte s’éboule, sur les parois dans le vide sur la terre noire

à tâtons ses mains

Ses mains gisent verrouillées.

Elle se terre

et guette

les parois qui se rapprochent

Des points froids sur sa peau

des gouttes filtrent du plafond.

Elle a tout juste le temps de sentir

la qualité de la terre noire où elle se vautre

et qui

sous elle

se dérobe

S’Inombra

All’inizio fu facile

lei poteva dire io o tu

la cosa non faceva quasi alcuna differenza

 Un modo di esser lì o di esserci un po’ meno

 tra gli stridii i canti.

Ma un giorno senza preavviso

il suo corpo trapassò.

si sdoppiò, staccato.

La sua gola attraversata da un grido di vetro frantuma to di crepe.

A lungo.

A lungo contemplò questo corpo-eco soffocare dall’altra parte

prima di tentare di fuggire

Il fuoco che aveva voluto accendere laggiù non aveva bruciato nulla

il suolo il corpo non si erano crepati sotto il calore.

Nel suo accendino un avanzo di gas troppo poco per nutrire una fiamma.

Nella sua corsa lascia cadere l’accendino e le armi

nel suo precipitarsi a richiudere la porta sull’assenza

di fuoco

La sua tana si stringe alla gola un sapore salmastro.

Con le unghie raschia.

Sui muri neppure crepe

intagliate appena si richiudono.

Quando la punta delle dita si smussa

 le scaglie compresse sotto le unghie

 traboccano

e cadono

assorbite dalla terra.

Alla ricerca di un oggetto le dita grattano.

Una pietra per forbire altre armi

qualcosa che sia lì

una pietra venata di un filo

Cade – Il suo corpo frana sotto la volta, sulle pareti rocciose nel vuoto sulla terra nera

a tastoni le mani

Le mani giacciono serrate.

Si nasconde

e tiene d’occhio

le pareti che si avvicinano

Punti freddi sulla sua pelle

Gocce filtrano dal soffitto.

Ha appena il tempo di sentire

La qualità della terra nera in cui si crogiola

E che

Sotto di lei

Si ritrae.

Depuis le 13 novembre

Depuis le 13 novembre, je n’ai plus écrit.

Et puis ce soir, j’ai écouté de la poésie

dans un bistrot.

J’ai entendu des mots, des mots en masse

 ils m’ont giflée au visage, m’ont giflée au cerveau

jusqu’à ce que je m’éveille

que mes joues soient rouges.

Des quatre coins du bistrot

j’ai entendu des voix qui disaient

« il faut écrire »

et j’ai eu envie de rire.

Puis je me suis souvenue

des vers d’une amie, Marília,

qui écrit en brésilien, que je lis en espagnol :

« La poesia es una forma de resistencia

a los discursos dominantes ».

J’avais toujours envie de rire

mais pas exactement du même rire qu’avant.

 Et puis mon ami Jean-Luc a dit

« On ingurgite chaque jour notre dose de poison ».

Et là, soudain,

j’ai commencé dans ma tête le texte de ce soir,

par à-coups ça dansait ça tournoyait des phrases

avec en fond le brouhaha du bar

comme une basse continue

comme un chant.

Le poison, chaque jour, s’ingurgite, s’infuse,

 on se réveille les yeux injectés de tristesse,

 désemparés.

On accepte de devenir suspects, tous, tous,

 d’ouvrir nos sacs au supermarché,

d’être acteurs dans des milliers de films de vidéo-sur veillance

On se range derrière un bouclier factice

On commence à se demander, en faisant son sac le matin, si on pourra

répondre aux questions des étudiants

à leurs regards inquiets

ou entrer à la bibliothèque avec notre paire de ciseaux.

Pendant ce temps on oublie

de fourbir une langue.

Et là quelqu’un

que je ne connaissais pas,

en face de moi, à ma table, dans le bistrot,

quelqu’un qui s’appelait Alexis a dit

« la parole est dans une gangue, une gangue».

Et j’ai vu l’image d’une écorce très lisse

très lisse, qui contiendrait des structures folles,

belles, rebelles peut-être, en-dessous, et qu’on ne verrait pas.

Une gangue oui

un bâillon un bandeau

où nos lèvres et nos yeux se sont perdus.

En rentrant chez moi dans la nuit j’ai vu

le tag sur un mur de ma rue

Un tag

que je vois tous les jours

un tag qui dit

« L’amour des siens c’est pas la haine des autres »

Et c’était moins naïf que d’habitude

ou peut-être plus,

mais cela n’avait pas d’importance

car c’était là, c’était écrit.

Et j’ai croisé

un couple à vélo qui s’embrassait dans le mouvement des roues,

des sacs de morceaux de pain déposés

par le boulanger du coin

devant un squat où vivent des gens invisibles,

et j’ai croisé encore,

un mec tout seul dans le noir

avec au dos, cachée dans un étui sombre, sa guitare,

une fille enveloppée dans sa veste

avec aux pieds des chaussures de tango –

et personne d’autre

sauf

une petite flaque d’eau

au bord du trottoir

qui brillait et qui sentait

encore le poisson des poissonneries du marché

Ce poisson qui

quand je l’ingurgite

me donne une dose de plomb, de mercure

de tous ces métaux lourds

si lourds à porter

et face auxquels je reste

comme l’a dit Alexis, ce soir,

« confortable, bien confortable »

tandis que d’autres pour le climat

prennent les coups de matraque

et contemplent les tags

tracés avec de la merde sur les murs des cellules

dans les commissariats.

Et puis j’arrive chez moi

je vois sur mon bureau

le dossier de Master de Iuliia, une étudiante Ukrainienne,

ce dossier rendu à l’avance car elle est repartie à Kiev, dans la tourmente.

Elle a choisi d’écrire sur

« L’amour lors du naufrage des mondes ».

Et puis j’ouvre mes mails

je vois quatre messages, non lus

Et les quatre messages ce sont mes étudiants

qui m’envoient leurs poèmes

de l’atelier d’écriture

des poèmes « en hommage » pour le 13 novembre,

que je vais avoir la charge d’assembler, de relier

pour en faire quelque chose qui ressemble à un livre.

Je ne sais pas si ceci est un poème

cela ne ressemble pas

tellement pas

à ce que j’écris d’habitude

mais je crois que les habitudes vont changer.

 Et je repense

à la petite flaque d’eau

au bord du trottoir.  

Je pense

au respect immense

qu’il me faut

envers cette flaque d’eau

pour que je croie encore avoir

comme elle

ma place dans le monde.

Je pense

à l’attention calme

qu’il me faut

envers cette flaque d’eau

pour que j’y voie briller

même un instant,

un rayon de lune ou de réverbère

un rayon quelconque

un rayon.

(03.12.2015)

Dal 13 Novembre

Dal 13 novembre, non ho più scritto.

e poi stasera, ho ascoltato poesie

 in un bistrot.

Ho sentito parole, masse di parole

come uno schiaffo sul viso, uno schiaffo al cervello

fino a farmi svegliare

ad arrossarmi le guance.

Dai quattro angoli del bistrot

ho sentito voci che dicevano

“bisogna scrivere”

e mi è venuta voglia di ridere.

Poi mi sono ricordata

alcuni versi di un’amica, Marìlia

che scrive in brasiliano, che leggo in spagnolo :

“La poesia es una forma de resistencia

a los discursos dominantes”.

Avevo ancora voglia di ridere

ma non era proprio lo stesso riso di prima.

 E poi il mio amico Jean-Luc ha detto

“Ogni giorno ingurgitiamo la nostra dose di veleno”.

E lì, d’un tratto,

ho iniziato il testo di stasera nella mia testa,

 a singhiozzi danzava roteava frasi

con sottofondo il brusio del bar

come un basso continuo

come un canto.

Il veleno, ogni giorno, s’ingurgita, s’infonde,

ci si sveglia con gli occhi iniettati di tristezza,

 disorientati.

Accettiamo di essere sospettati, tutti, tutti,

di aprire le nostre borse al supermercato,

di essere attori delle migliaia di film dei video di sorveglianza

 ci si piazza dietro uno schermo fittizio

ci si inizia a chiedere, preparando la borsa al mattino, se saremo in grado

di rispondere alle domande degli studenti,

ai loro sguardi inquieti

o di entrare in biblioteca con il nostro paio di forbici.

Durante questo tempo si dimentica

 di forbire una lingua.

Ed ecco qualcuno

che non conoscevo,

di fronte a me, al mio tavolo, nel bistrot

 qualcuno di nome Alexis ha detto

“la parola è dentro una ganga, una ganga”.

 E ho visto l’immagine di una scorza assai liscia

 assai liscia, che conterrebbe strutture folli,

 belle, forse ribelli, al di sotto, e che non si vedono.

Una ganga sì

un bavaglio una benda

dove la nostra bocca e i nostri occhi si sono persi.

E tornando a casa di notte ho visto

un graffito su un muro della mia via

un graffito

che vedo tutti i giorni

un graffito che dice

“Amare il prossimo non significa odiare gli altri”

ed era meno innocente del solito

 o forse di più,

ma non aveva importanza

perché era lì,

era scritto.

E ho incrociato

una coppia in bici che si baciava fra il movimento delle ruote,

borse pezzi di pane riposti

dal panettiere della zona

davanti ad uno stabile dove vivono persone invisibili,

e ho incrociato ancora,

un tipo da solo nel buio,

con in spalla, nascosta sotto una custodia scura, la sua chitarra,

una ragazza avvolta nella sua giacca

con le scarpe da tango ai piedi

e nessun altro

eccetto

una piccola pozza d’acqua

ai bordi del marciapiede

che brillava e odorava

ancora del pesce dei pescivendoli del mercato

Quel pesce che

quando lo ingurgito

mi dà una dose di piombo, di mercurio

di tutti quei metalli pesanti

così pesanti da portare

e di fronte ai quali rimango

come ha detto Alexis, stasera

“comoda, molto comoda”

mentre altri per il clima

prendono manganellate

e contemplano i graffiti

scritti con la merda sui muri delle celle

nei commissariati.

E poi rientro a casa

 vedo sulla scrivania

la tesi magistrale di Iulija, una studentessa ucraina,

questa tesi consegnata in anticipo dato che è ripartita per Kiev, nella tormenta.

Lei ha scelto di scrivere su

 “L’amore ai tempi del naufragio dei mondi”.

 Poi apro le mail

 vedo quattro messaggi, non letti

e i quattro messaggi sono dei miei studenti

che mi inviano le loro poesie

dal laboratorio di scrittura

poesie “in ricordo” del 13 novembre,

che avrò l’incarico di riunire, rilegare

per farne qualcosa che somigli ad un libro.

Non so se questa sia una poesia

non somiglia

per nulla

a ciò che scrivo abitualmente

ma penso che le abitudini cambiano.

E ripenso alla piccola pozza d’acqua

ai bordi del marciapiede.

Penso

Al rispetto immenso

che devo a questa pozza d’acqua

perché credo ancora di avere

come lei

il mio posto nel mondo.

Penso

all’attenzione calma

che devo

a questa pozza d’acqua

perché vi veda brillare

anche un attimo

un raggio di luna o di lampione

un raggio qualunque

un raggio.